L’école peut-elle vraiment développer la créativité des élèves ?

Mardi 7 novembre 2023, le Collège des Bernardins et la Fondation Kairos-Institut de France organisaient une conférence-débat pour mieux cerner l’influence qu’exercent les modalités de la transmission sur la liberté d’imagination et d’initiative des plus jeunes.

Chantal Delsol, philosophe, écrivain, membre de l’Institut, Yves Quéré, physicien, membre de l’Institut, et Bertrand Chauvet, homme de théâtre et professeur de lettres classiques, ont dialogué sur le thème suivant : l’école peut-elle vraiment développer la créativité des élèves ?

Diaporama : Bertrand Chauvet, Chantal Delsol et Yves Quéré à la table du débat / Laurent Landete, directeur du Collège des Bernardins, présente le partenariat Fondation Kairos-Collège des Bernardins

Les enfants sont-ils capables de créer ? Peut-on vraiment apprendre à créer ? Quelle place donner à la curiosité qu’on a trop souvent décrite comme un vilain défaut ? Comment proposer un environnement propice à la créativité ? Dans nombre de dictatures, il était interdit de poser des questions. Qu’est-ce que cela nous dit du processus créatif ? Faut-il mettre en place un milieu très ouvert pour favoriser l’inventivité ?

Yves Quéré a beaucoup insisté sur le fait qu’il n’était pas possible de parler de créativité sans se préoccuper de former les enfants au discernement du bien et du mal : “Tout passe par un enseignement de l’éthique.”
Il a souligné qu’il convenait que le maître crée un climat personnel favorable à la créativité et que lui seul pouvait le faire, et certainement pas une décision ministérielle venue d’en haut. Chaque maître met en place cet univers propice à la créativité à partir de ce qu’il est personnellement.
Les conférenciers étaient d’accord sur le fait que la créativité ne se déploie pas sur le vide, l’absence de savoir ou le refus de la transmission ou du par-cœur.  Bien au contraire.  On ne peut pas séparer l’instruction et la créativité. L’instruction est comme un nutriment pour la créativité. On crée dans le galop de ce que l’on apprend. Yves Quéré invite les éducateurs à trouver le juste milieu entre la transmission corsetée et le cœur d’une part, et l’expérimentation d’autre part, saluant au passage l’approche de La main à la pâte développée par Georges Charpak.
Bertrand Chauvet a stigmatisé l’institution scolaire comme ce lieu qui ne sait pas assez suspendre le jugement alors que c’est précisément la condition de possibilité du déploiement de la créativité pour les élèves. Cet espace qui génère de la peur plus que de raison. Il a souligné la dimension transcendante de la créativité. Il ne s’agit pas de se replier sur son moi mais de se laisser saisir et enthousiasmer par quelque chose de plus fort que soi. La création est pour lui un saut dans le vide à la rencontre de quelques chose de plus grand que soi.

La question de l’IA dans ce processus de développement ou d’empêchement de la créativité a aussi été abordée notamment par Chantal Delsol, qui fait remarquer que seul Dieu crée ex nihilo tandis que la création littéraire, pour parler d’elle, crée à partir du chaos. C’est toujours une folie. Une tentative d’ordonner le chaos.

Pour aller plus loin

 

Chantal Delsol

  • Un personnage d’aventure ; petite philosophie de l’enfance, Cerf, 2017
  • Le paradis est épars (roman), Cerf, 2023

Yves Quéré

  • De la beauté ; vingt-six ariettes, Odile Jacob, 2023

Bertrand Chauvet

  • Les Sorcières de Sarcelles, documentaire de Camille Hamet et Serena Robin, France TV, 2023
    À visionner ici sur Viméo
  • Le changement est dans nos yeux, court-métrage de Gaspard Frydman (2020) sur le spectacle Chant du Monde présenté à Piano di Sorrento et au Festival international de géographie de St-Dié
    À visionner ici sur Viméo